Deux contes POUTINE - APPUIE-SUR-LE-BOUTON

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POUTINE - APPUIE-SUR-LE-BOUTON

Deux contes

Traduction de l’anglais (Etats-Unis) Isabelle Macor

 

 

1

 

POUTINE ET LE DIABLE


 Et Putler[1] creva, comme il arrive à tous les mortels, tôt ou tard, et trois anges apparurent au défunt pour l’emmener au Paradis afin qu’il se retrouve face à l’être que nous appelons  Dieu, plus ou moins hors d’usage.

 

– Alors, dit Dieu, raconte-moi ce que tu as fait quand tu étais, comme on dit ici-bas, en vie ?

 

Putler lui raconte ses haut-faits. Il a sauvé la Russie de ses ennemis, a travaillé dur pour restaurer sa gloire d’antan, en a fait à nouveau une grande puissance, lui a rendu ses territoires perdus et a redonné au peuple russe ses valeurs russes traditionnelles. Sous mon règne, la grande nation s’est finalement relevée, et maintenant personne ne peut plus regarder la Russie de haut. J’ai rendu à notre pays son statut de grande puissance, voilà ce que j’ai fait. Afin que l’Ouest corrompu et décadent nous respecte et nous craigne à nouveau. Tu me demandes ce que j’ai fait, voilà ce que j’ai fait, Dieu. En vérité, j’ai accompli des choses dont je peux être fier.

 

– Bon, lui répond « Dieu », - Et sais-tu que tout cela est pure illusion et n’existe que dans l’esprit de l’homme ? Tout cela – « La Russie » et « l’Ouest » et « se relever », y compris la division du monde en soi-disant « pays » et frontières, etc. ? Quand je regarde la terre depuis mon nuage céleste, sais-tu que je ne vois pas de frontières, ni de Russie, ni d’Ouest, ni de Russes, ni d’Américains, ni d’Ukrainiens, ni de Britanniques ? Viens, je vais te montrer !

 

Et alors, Dieu le mena au bord de son nuage et, dirigeant son regard vers le bas, il vit la terre, et il n’y avait que sept continents et beaucoup d’eau submergeant les bords des continents. Il ne vit aucun pays, aucune frontière, nulle Russie, Ukraine, Bélarus, Lettonie, Lituanie et autres pays de « l’Ouest » en décomposition ou presque, tout était juste comme Dieu lui avait dit.

 

Ainsi, dit Dieu, tu as envoyé des centaines de milliers de gens tuer ou se faire tuer, c’est un énorme péché, sais-tu – un terrible péché ! – Et Dieu étendit ses bras pour montrer combien était grand le péché de l’âme récemment partie qui se tenait devant Lui. – Et tu sais, à cause de ce péché, tu n’auras plus jamais ta place au paradis avec nous.

 

Alors Dieu a appelé un ange et lui a dit de mettre Putler en enfer.

 

L’ange mena Putler aux portes de l’enfer et s’en fut. Putler se tenait là, ne sachant ce qu’il attendait, une grande réception probablement parce qu’il n’était pas juste un homme mort, après tout, il était le chef d’une grande puissance, un chef d’état, un homme important habitué aux grandes réceptions. Les portes s’ouvrirent et Putler se rendit compte que tandis qu’il attendait, il s’était déplacé en un mouvement de descente. Il regarda sous ses pieds pour voir sur quoi il se tenait. Et voilà qu’il se trouvait sur un escalator, des lampes de chaque côté, tout comme à la fameuse station de métro Arbat à Moscou ! La seule différence, c’est qu’à la station de métro Arbat, les lampes n’étaient pas tenues par d’étranges êtres tandis qu’ici de mignons petits diables les tenaient. Il prit un escalator pour se rendre dans un bâtiment souterrain, pensant que c’était le palais principal, le lieu où il serait reçu comme il convient, se dit-il à lui-même, avec tous les honneurs, le luxe approprié et tout le reste. L’escalator le mena à l’entrée même, et alors, sans cérémonie, il se retrouva devant le diable le plus important, le seigneur de tous les diables, et c’est ce Diable qui l’interrogea. (Appelons-le Diable bien qu’il n’aimât pas qu’on l’appelât ainsi ; il voulait qu’on l’appelle Seigneur Diable.)

 

– Eh bien, dit Diable, qu’est-ce qui vous amène, Monsieur le Président ?

 

Il faut dire que Putler avait appris sa leçon, celle qui l’avait laissé hors du Paradis, c’est pourquoi il dit : « J’ai crevé, comme tous les mortels, et maintenant je suis venu voir comment vont les affaires ici-bas. Et bien sûr, tandis que j’étais en haut, sur la terre, je n’ai accompli que de bonnes actions, je n’ai pas procédé à l’expansion des frontières, je n’ai pas renforcé l’état russe, je n’ai envoyé personne à la mort parce que je savais que tout cela n’était qu’illusion – les frontières, la division de la planète terre en états, les nationalités – russe, ukrainienne, géorgienne, moldave, et ainsi de suite.

 

– Menteur ! s’exclama Diable. Pourquoi nies-tu tes propres vaillantes actions ? Tu as commencé des guerres, envoyé des centaines de milliers d’hommes à la mort, bombardé des villes réduites en ruines, tu as relevé le peuple russe qui était à genoux, et tu as fait beaucoup d’autres choses ! Pour tous ces actes tu mérites la meilleure place dans mon royaume, je vais t’envoyer dans le plus beau des jardins – et tu dois le savoir, les plus beaux jardins du monde sont ici dans mon royaume ! Mais – c’est alors que le Diable fronça les sourcils, si bien que Putler sentit ses genoux trembler comme des feuilles au vent, – au lieu d’être fier de ce que tu as fait, tu restes là devant moi, crapule, à mentir impudemment ! Ceci, je ne l’ai pas fait, cela je ne l’ai pas fait, et ensuite tu vas disant qu’il n’y a pas de frontières, pas de puissances, de nationalités, d’Ouest décadent, pas de fière nation se relevant, et que tout cela, ce sont des illusions – à la façon dont tu persistes à mentir, homme, on pourrait penser que tu as une chose appelée conscience ! Pour tes mensonges, tu seras envoyé dans le pire lieu de mon royaume, – dit Diable, faisant signe à deux petits diables de venir et de jeter le menteur dans la fournaise.

 


2

 

POUTINE APPUIE-SUR-LE-BOUTON

 

 

 

Le conteur approcha sa chaise du centre pour que tous les enfants parmi le public l’entendent bien.

 

Il commença son récit.  

 

‘Le chef d’une tribu qui, des milliers d’années plus tard, serait connue des archéologues comme un sous-groupe de la culture Yamnaya[2], leva sa hache de pierre.

 

C’était la première fois qu’il tenait une hache qui avait été taillée pour lui par le meilleur tailleur de pierre de la tribu. 

 

– « Du chef de la tribu, né le septième jour du mois des feuilles-qui-tombent », dit le chef, évitant habilement de mentionner son propre nom, « à celui qui naîtra des milliers d’années plus tard, le septième jour du mois des feuilles-qui-tombent, comme moi ». 

 

Il caressait amoureusement le tranchant de sa hache de pierre. « Est - ce pour rien que nous nous honorons d’être la tribu des meilleurs guerriers du monde ? », demanda-t-il rhétoriquement. « Je dis, laissez les dieux nous aider à semer les graines de la tribu guerrière dans un large rayon. » Le chef, dont l’histoire n’a pas retenu le nom, connaissait les limites de la guerre en son temps, non pas qu’il fût particulièrement malin ou qu’il sût ce que les autres gens de son époque ignoraient, mais parce que la culture Yamnaya avait sa part d’oracles et qu’il en avait consulté un. C’est ainsi qu’il avait appris que la graine Yamnaya donnerait naissance à un leader qui détruirait le monde d’une pression sur un botton (faute de prononciation de l’oracle sur le mot bouton), et personne non plus ne savait en ces temps reculés ce qu’était un bouton. L’oracle, de même que le chef qui avait sollicité sa vision, étaient très fiers du Destructeur du Monde, qui, comme prédit, jaillirait de la graine Yamnaya. Des lustres passèrent et le Destructeur du Monde, prédit par l’oracle, naquit, comme cela avait été prophétisé, le septième jour du mois des feuilles-qui-tombent, mais, tandis qu’au temps de la culture connue des archéologues sous le nom de Yamnaya, un Destructeur était un titre honorifique, au temps du Destructeur, il muta en un titre péjoratif : un « appuie-sur-le bouton » était quelqu’un qui n’avait d’autres pensées que la domination de sa tribu et là, le Destructeur proclama le peuple de son immense pays sa  « tribu » - sur les autres « tribus ». Quelques jours après que le Destructeur du Monde eut annoncé ce qui lui gagnerait le surnom qui le ferait connaître, il fit un rêve dans lequel le chef du peuple Yamnaya lui apparut, tenant la même hache de pierre qui avait été taillée pour lui par le meilleur tailleur de pierre de la tribu. Il dit que les gens qu’il voulait anéantir avec son botton, étaient descendants patrilinéaires du peuple Yamnaya autant que lui-même, en d’autres mots, qu’ils avaient jailli de la même graine que lui, le Destructeur du Monde, et que ce serait une faute grave d’appuyer sur le bouton et d’anéantir ses frères. Le Destructeur du Monde s’éveilla de son rêve en sueur, frissonna, tremblant, et quand il essaya de se mettre debout, il ne pouvait plus bouger, c’est pourquoi il dut appuyer sur un bouton, pas celui connu à son époque sous le nom de nucléaire, mais un bouton pour appeler de l’aide. Quand ses aides se précipitèrent vers lui pour lui tendre un verre d’eau, ce dont, à leur avis, il avait clairement besoin, le Destructeur suspicieux ordonna : « Prenez-en un verre d’abord, vous ! » L’aide, qui avait avalé d’innombrables gorgées d’eau, de thé, de jus, de café et de vin du verre du Destructeur pour prouver sa loyauté, savait que cette fois-ci il n’y avait plus de temps pour les amabilités habituelles et, ouvrant de force la mâchoire du Destructeur, ils versèrent le contenu du verre dans la bouche du Destructeur en répétant « Bois ! » L’eau inonda sa bouche, ses oreilles, son nez, et finalement, ses poumons. Vingt-trois membres de sa garde rapprochée, témoins de ses derniers moments, attestèrent qu’il n’y avait pas eu d’acte prémédité. L’ancienne prophétie s’avéra ce matin-là, car il avait appuyé sur le botton, mais pas sur le bon et, au lieu d’anéantir le monde, il s’était étranglé avec un verre d’eau. Le monde était sauvé et maintenant, on attend que naisse un nouveau Destructeur du Monde, puisque la graine Yamnaya apporte les meilleurs destructeurs qui soient.’

 

Le conteur acheva de raconter son histoire. Les enfants applaudirent et rejoignirent leurs mères en rang pour obtenir un autographe. « Quelle histoire fascinante !», dit l’une des mères. « Mais la prochaine fois, j’aimerais quelque chose de plus proche de notre époque et de notre lieu – quelque chose de réel, vous voyez, quelque chose sur nous ! »

 

 

 



[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Putler - Putler (prononciation Poutler, en prononçant le r) et sa variante Vladolf Putler - Le terme a une connotation péjorative et est employé par les opposants au régime de Poutine ainsi que par ses adversaires, les Ukrainiens dont le pays subit une invasion et tous les contestataires de ce régime dictatorial dans le monde. (Note supplémentaire de la traductrice).

[2]  Il y a entre 5000 et 4000 ans, les Yamnaya et leurs descendants ont colonisé des pans entiers de l'Europe, laissant un héritage génétique qui persiste à ce jour. Leur arrivée a coïncidé avec de profonds changements sociaux et culturels. Les pratiques funéraires ont radicalement changé, une classe de guerriers est apparue et il semble y avoir eu une forte recrudescence de la violence mortelle. « Je suis de plus en plus convaincu qu'il doit y avoir eu une sorte de génocide », déclare Kristian Kristiansen de l'Université de Göteborg, en Suède. Alors que lui et d'autres reconstituent l'histoire, une question résonne : les Yamnaya étaient-ils le peuple le plus meurtrier de l'histoire ? Texte original de la source :

https://www.newscientist.com/article/mg24132230-200-story-of-most-murderous-people-of-all-time-revealed-in-ancient-dna/ - voir aussi https://fr.wikipedia.org/wiki/Culture_Yamna

 

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